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Le temps des eunuques, un cas d’école : l’anthropoïde Bertho



Au commencement d’Invitations au Débat sur la Totalité, nous nous proposions en premier lieu de recenser les manifestations offensives de la révolte actuelle, tues ou minimisées par l’ensemble des médias dominants. Il s’agissait de montrer que le monde, soumis, fatalement dominé, n’était qu’une vision journalistique imposée, adoptée par les spectateurs, et que le silence et les calomnies réductrices qui occultaient les potentialités des émeutes d’alors pouvaient être combattus. Certes il y avait déjà une image autorisée de la révolte, c'est-à-dire qu’était mis en scène son spectacle, par exemple dans le folklore des inoffensives manifestations antimondialistes, ou par le biais des « luttes » militantes et défensives, mais ce travestissement n’apparaissait encore que ponctuel. Ni le gros de l’information dominante, ni ses ingénieurs du service « intellectuel », ni ses sous-fifres de l’actualité alternative et « révolutionnaire », ne distinguaient ce qu’il pouvait bien y avoir de remarquable, encore moins de décisif ou de riche, dans ces déplorables pillages, cette sombre violence, ces désordres de pauvres d’El Alto ou de Bassorah.

Depuis les événements de novembre 2005 en France, à savoir les incendies de voitures et les bagarres de rue avec les flics à la périphérie des villes, une partie de ce qui dans ce petit pays s’en tenait éloigné, par déploration et condamnation, ou simple indifférence, prête désormais attention à tout ce que le galvaudage du terme permet d’appeler « émeute ». Car pour parler, à propos de tels faits, de trois semaines d’émeutes, et leur accorder l’importance qui leur a été accordée en tant que nouveauté, il fallait être dupe du tableau médiatique brossé jusque-là quant au négatif dans le monde : absent, ou tiers-mondiste dépassé. Il fallait ensuite étendre l’émeute aux échauffourées qui jusqu’alors n’y étaient pas identifiées. Il fallait enfin exagérer leur dangerosité. Sur cette base d’accord, des positions, partisanes de l’émeute ou au moins non hostiles, mais toujours acritiques vis-à-vis de l’information dominante, ont pu se manifester. On peut en distinguer deux, pour chacune issue du gauchisme : celle pour laquelle l’émeute serait soumise aux termes d’une « lutte sociale » archaïque, pouvant dès lors être envisagée comme moyen au service d’un activisme qui la fomenterait ; celle pour qui elle se limite à un « phénomène de société », à l’instar des graffitis ou de la pollution. Les deux s’entendant pour ne jamais la considérer dans le cours historique du temps.

La première de ces tendances se caractérise par son fétichisme pour une forme de révolte de rue, qu’« émeute » ou « insurrection » seraient censées décrire. La Grèce paraît son seul horizon pratique, le « comité invisible » son principal repère théorique ; même si, depuis la répression médiatique de Tarnac, la référence, désormais honteuse, est de moins en moins affichée. Mais l’influence reste déterminante d’une pensée qui, en rénovant un blanquisme oublié, a tenté de répondre aux insuffisances criantes de l’assommant marxisme et de l’anarchisme momifié quant à l’expression de l’insatisfaction. Les principales raisons de la mettre en cause résident selon nous dans son rapport non critique à l’information et conséquemment dans son absence de perspectives, parfois revendiquée en tant que telle. La sincérité qui s’y rencontre, due à l’aversion affirmée pour la société actuelle, est par contre fondamentalement étrangère à l’autre tendance. Là, se côtoie principalement tout ce qui fraye sans honte dans les bordels universitaires, cette espèce de recomposition de l’intellectualisme séparé, conspué en leur temps par les situationnistes et qui semble reprendre des couleurs, quand ses contemporains n’ont plus en mémoire ce qu’un passé maoïste, structuraliste ou plus simplement stalinien a de déshonorant pour qui prétend à la critique. C’est à l’hospice de Paris 8 que celui qui nous intéresse ici officie. Car si nous prenons la parole à propos de choses si dérisoires, c’est que l’un de ces spécialistes de la récupération s’est mis en tête de prendre pour objet les émeutes dans le monde, suivant cette opinion partagée que novembre 2005 en France aurait ouvert une époque.



Une poule devant un couteau


Puisqu’il n’en dit rien, on doit supposer que le dénommé Bertho, anthropologue d’Etat qui compile sur son blog des émeutes des cinq continents, ne connaît ni la Bibliothèque des Emeutes, qui définissait en 1990 l’émeute moderne, ni les observatoires plus récents qu’elle a influencés, dont le nôtre. Accordons-lui tout d’abord le bénéfice du doute : il mène donc, dans une parfaite ignorance de pratiques antérieures, une activité de recueil d’articles de presse et de vidéos, et vient de livrer ses conclusions dans un livre intitulé Le temps des émeutes, dont le premier chapitre traite de la « modernité de l’émeute ». Disons tout de même que l’inédit et l’unicité du discours et de la démarche se proclament dans l’occultation de présentations d’ensemble publiques sur la révolte, pour certaines depuis plus de dix ans sur cet Internet qu’Alain Gogo prise tant pourtant.

Malgré la répugnante banalité du discours universitaire sur des événements qui lui sont si étrangers, ce sont justement les faits, relégués en fin d’ouvrage dans une chronologie indicative, qui pouvaient présenter un intérêt, notamment pour nous qui avons mis en suspens la publication à leur propos. Sans entrer dans le détail, plusieurs curiosités sautent aux yeux : l’absence d’événements d’importance tels que des émeutes ayant conduit à des soulèvements, la présence en revanche de faits anodins du type échauffourées ayant eu lieu dans leur majorité en Occident, la profusion de faits récents correspondant au début de l’observation berthiste et créant un fort contraste avec les faméliques indications sur les années antérieures. Qu’elles soient dues à de l’inconséquence, une méthode défaillante, ou réalisées à dessein, l’ensemble de ces omissions et incohérences sert les interprétations et conclusions du brave chercheur : novembre 2005 a ouvert une séquence mondiale, il y a depuis de plus en plus d’émeutes, principalement situées en Occident, l’émeute n’a d’autre perspective qu’elle-même, ni dépassement, ni convergence, ni contagion ou insurrection ne sont même à espérer.

Or si l’on ne tait pas, contrairement à cet anthropolicier, les soulèvements de la première moitié de l’année 2005 au Kirghizistan, en Equateur, au Togo, sans même parler du Yémen en juillet, il devient plus malaisé de soutenir la thèse de l’ouverture d’une séquence mondiale. Il semble bien plutôt, d’ailleurs, que l’automne 2005 corresponde à une sorte de clôture. De même en occultant ce type de révoltes majeures, comme l’exemple plus évident encore de l’insurrection en Guinée de janvier-février 2007 (par laquelle on comprend pourquoi on y dessoude désormais les gueux par dizaines à la moindre incartade), on a les coudées franches pour statuer sur la ponctualité de l’émeute, sa vanité en quelque sorte, tout juste bonne à servir la réflexion professorale (remarquons au passage que Camara et ses troupes n’ont visiblement pas la même opinion que Bertho à ce sujet). Et pour ce qui serait de l’expansion récente du nombre d’émeutes, il semble tout bonnement que notre chercheur ne se soit pas fait la réflexion que, comme pour les champignons, on en trouve davantage quand on commence à en chercher, plutôt qu’en postillonnant du symbolique et de l’intellectualité dans les chiottes de Paris 8. Les émeutes ne l’ont pas attendu pour se produire. A sa décharge, on pourrait lui accorder qu’une telle veille crée effectivement à son début cette impression, du fait de tout ce qui sort de l’obscurité, d’un coup, mais qu’elle se dissipe assez vite pour quiconque fait preuve d’un peu plus de rigueur qu’un cochon de prof de fac, et jette un coup d’œil rétrospectif avant de conclure.

Mais la rigueur n’est décidément pas le fort de ce bonimenteur pour étudiants attardés qui accumule les berthises (une parmi d’autres : le mouvement social au Cameroun en février 2008 décrit comme un succès alors que le soulèvement y a été battu dans une répression des plus sanglantes), dans un fatras dont la critique exhaustive – pour le dire plus clairement, vidanger la merde – demanderait des pages et des pages. L’escamotage se révèle quasi systématique pour des événements d’importance et non occidentaux : comment peut-on prétendre à un recensement chronologique des émeutes depuis 1968 en occultant, ou omettant (mais est-ce même possible ?), la révolution en Iran, octobre 88 et ses suites en Algérie – Etat pour lequel notre « dyonisien » fait mine d’une attention toute particulière –, le soulèvement albanais de 97 ? Un problème de source peut-être, pour des faits dont l’éloignement dans le temps a fait perdre les traces et que Wikipédia, visible référence du cyberprof, ne garde pas en mémoire dans sa liste middleclass des riots. Mais pour les faits récents, l’aveuglement est le même, doublé d’une vision médiatique qui déforme l’importance, exagère et minimise jusqu’au délire que laissent permis la crédulité et la passivité de ses consommateurs habituels. Même quand il confond l’insurrection birmane de 1988, dont le bilan humain oscillerait entre 500 et 3 000 morts, avec la protestation survenue à l’été 2007 dans cet Etat, pour ce qui en ferait alors une des plus fortes révoltes de ces dernières années, il n’y accorde pas plus de trois lignes, quand pour la même année les incidents de la gare du Nord à Paris sont érigés en « moment fort », en « révélateur ». Mais en l’occurrence c’est heureux qu’il ne s’étende pas davantage sur les malheurs de ce général birman, mort en 2004 selon la junte, et que notre prestidigitateur ressuscite pour le faire démissionner en 2007 sous la pression d’une révolte qui s’est effectivement produite, mais dix-neuf ans plus tôt !


Incapable d’en saisir le rôle de médiateur autocratique, le collecteur Bertho travaille en agent de l’information dominante. Il y pioche seulement selon ses lubies et ses fixations, et il en soutient, ce faisant, la fonction répressive centrale. Les faits sont dévalués par rapport à la classification opérée et aux explications données à leur sujet, exemplairement lorsque la validation du prétexte annoncé conduit à justifier l’expression collective de la colère et de l’insatisfaction. Ceci pourrait expliquer, alors qu’est privilégiée la mise en avant de situations moins intenses, et parfois sans émeutes, comment les principaux accès de révolte des dernières années sont maintenus hors-champ. Justement parce que s’y sont découvertes plus qu’ailleurs la perspective et la nécessité du dépassement de l’émeute. Alors que, ravalée au rang de « mystère » sous les yeux ébahis de l’éternel spectateur, elle n’est rendue que dans une vision partielle et conforme qui l’annexe, où cette potentialité est niée par avance. La relation des faits, bâclée et incohérente, n’étant là que pour soutenir l’exposé d’une incrédulité, de qui ne saurait comprendre, d’où il pense et d’où il parle.



Ne dites plus : crève salope ! Mais : bonjour Bertho !


Tout ce fatras sert finalement à soutenir un point de vue ultraconservateur, que les pages introductives ne laissaient pas ainsi soupçonner, et qui peut en revanche être beaucoup plus brièvement présenté. Car l’ensemble de l’opuscule de ce pitre, sa structure même, renforce la suspicion quant à sa connaissance, et donc son occultation, du point de vue de la téléologie moderne sur l’émeute [1]. Il paraît en adopter d’abord un certain regard, juste ce qu’il faut pour feindre de se singulariser au milieu du troupeau de ses collègues, notant le scandaleux silence autour d’événements aussi récurrents, critiquant l’analyse causale systématiquement faite à leur propos, exigeant que l’on se place du point de vue des acteurs, se plaignant du « désamorçage symbolique » opéré par les sociologues. Même si tout cela est déjà noyé dans la problématique et le questionnement qu’on devine, et qui s’annoncent, stériles, sa sympathie semble aller à l’émeute pour ce qu’elle est.

Mais le retournement progressif est typique des manœuvres récupératrices : j’utilise en l’approuvant ce qui peut l’être, je simule la critique radicale mais en l’affaiblissant par l’omission de l’essentiel, pour terminer, sous l’apparence trompeuse de l’avoir mise en cause, par le point de vue le plus conforme à la pensée dominante. Derrière le jeunisme démago, voire un paternalisme dégoûtant, la bouillie conclusive consiste bien à ne pas considérer l’émeute autrement que comme un symptôme pour spécialiste en sciences sociales reconverti en émeutologie. Jamais le moment d’un conflit, pas même celui d’une révolte. Nul parti à prendre, car même sur le terrain, Bertho, qui confie s’y être rendu, continue d’observer, évidemment, en ethnologue, dans une relation permanente d’extériorité à son nouvel objet d’étude, à sa marotte du moment [2]. Par le petit bout de la lorgnette, quelques pages spéculent bien sur un sens politique mais alors seulement comme « prescription » gestionnaire, comme « interlocution », proche du fameux « les émeutiers ne veulent que se faire entendre » algérien, en vogue depuis la défaite de la déferlante en 2001 et qui ne va pas lui non plus sans l’assimilation de l’émeute à la culture. Rien qui n’aille au-delà de tout ce qu’un Alain Salarié de l’Etat, à moins d’imploser dans l’autocritique de ses certitudes satisfaites, et au péril de sa petite carrière, ne saurait formuler, pour donc se cantonner dans son rôle de militant de la « société civile », seulement capable de s’avancer contre le problème principal que constituerait selon lui la gestion étatique dominante – mais alors, dans la seule mise en cause d’un modèle particulier de gestion étatique, dont on imagine qu’il se verrait bien, ce rigolo, en inspirateur de sa réforme.


Ainsi banalisée, rendue à la misère du monde, que reste-t-il de l’émeute ? Et que reste-t-il de l’entreprise consistant à rendre publiques ses manifestations, que plus rien ne vient par conséquent justifier, sinon la branlette berthiste ?

C’est par l’intermédiaire des propos de deux ahuris baptisés Tancelin et Clancy, des confrères d’Alain mais plus givrés encore, qu’il trouve les mots adéquats à rendre le fond de sa pensée. Puisque les révolutions appartiennent au passé, que l’insurrection ne viendra pas (et qu’elle ne serait venue nulle part, hocus pocus !), l’émeute appartient au « registre de l’ontologie », est « autotélique », charabia de néo-artiste signifiant qu’elle n’a qu’elle-même pour but (comme ils disent dans leur texte Pour une conscience émeutière dont Bertho ne cite que des extraits mais qu’il reproduit in extenso sur son blog). L’explication, religieuse s’il en est, est définitive. Voilà pour l’émeute, voilà pourquoi, comme il le dit, l’émeutier risque sa vie, parlons d’autre chose.

Pour le parti de la middleclass, Bertho est le premier à franchir ce pas au sujet du début de débat que représente l’émeute. Car si tous ses coreligionnaires, du premier commentateur venu au nuisant Mandosio, en passant par les journalistes algériens francophones, s’entendent pour lui refuser toute perspective – sinon et en dernière instance la réforme d’Etat – aucun n’avait entrepris jusque-là une recension systématique, toute bancale soit-elle, pour appuyer une telle thèse. Ce que la Bibliothèque des Emeutes vouait à la convergence des gueux, à la communication des émeutiers, se trouve, ainsi travesti, mis au service des ennemis de l’émeute, contre la convergence et la communication des émeutiers. Passons sur sa fixation pour les sources vidéo, les connexions sur son blog, et toutes les pages inutiles qu’il y consacre, où la suite de l’émeute, voire sa finalité même, consisterait dans l’espèce de concrétisation des velléités journalistiques de l’amateur sur Youtube ou Dailymotion.

Il s’agit d’ancrer « les » émeutes dans une pluralité des mondes où le parachèvement de la séparation se trouve validé par l’instauration d’une géographie « subjective » mondiale, « réticulaire et aléatoire », justifiant ni plus ni moins un déni de la totalité. Le monde organisé en réseaux, qu’on ne doit plus comprendre dans l’unité de son mouvement global et de l’histoire, mais seulement à travers la particularité des moments locaux, est voué à l’infini, sans maîtrise possible ni même désir de maîtrise. Les images y répondent aux images, les chercheurs cherchent et les Bertho berthisent ; l’émeute devenant dans cette représentation cauchemardesque, où l’éclatement irréversible est célébré, le « Twitter non virtuel du monde » [3]. Dans le culte middleclass pour les médiations autonomisées, l’aliénation hypnotise, demeure infailliblement maîtresse : entre ceux qu’elle médiatise, il ne reste que des « branchements, des passages », des « réseaux » et des « résonances ». C’est à ce renoncement, présenté comme description de la réalité par cette vision partisane qui continue à la considérer comme un être-là, que ce curé sans imagination voudrait voir l’émeute intégrée : sans rupture, sans inconnu, sans débat pratique de ses acteurs.

Le professeur Alain Bertho est un ennemi de l’émeute, et de toute révolte. Qu’on se le dise ! [4]



Au milieu de la misère, une rencontre immédiatement tournée vers sa critique


Presse francophone algérienne, novembre 2005 en France, « émeutes de la faim » en 2008 : la visibilité nouvelle donnée à l’émeute par l’information dominante passe par la dévaluation du terme et la légitimation des actes. L’ennemi de l’émeute, c'est-à-dire celui qui s’oppose à ce commencement possible de la mise en cause de tout, voudrait désormais se permettre d’en parler sans la condamner. Il suffit que les faits ne soient effectivement rien ou peu, mais que le terme générique les associe avec des événements d’ampleur tels que des soulèvements ou des insurrections, dès lors dévalués ; comme il s’agit de pouvoir, suivant les raisons qu’on leur impose, considérer que les émeutiers sont dans leur bon droit, ne réagissent finalement qu’à un dysfonctionnement de la société et du pouvoir, faisant office de sonnette d’alarme, d’appel au secours ainsi donc admissible.

S’il est fort possible, comparativement à l’époque de son irruption massive il y a vingt ans, que son amalgame au phénomène culturel, au fait divers, au défoulement sans suite, au divertissement extrême, contribue à l’appauvrissement général de ce moment offensif, « l’allumage du négatif » réside bien encore dans cet éclat de la révolte non encadrée. Rencontre d’anonymes, critique ouverte des conditions qu’ils subissent, distinction des camps dans le conflit, passage à l’acte collectif, toutes ces dimensions continuent de caractériser ce début possible du débat le plus ample, certes terriblement petit et incertain, mais sans équivalent aujourd’hui. Si donc les limites actuelles de l’émeute sautent aux yeux, leur dépassement est encore un élément décisif de la guerre du temps. C’est bien pourquoi la part négative, celle qui ouvre la brèche, est refoulée dans la vision quotidianniste commune. La visibilité donnée est donc éminemment sélective : c’est encore en taisant ses manifestations les plus décisives, comme en passant sous silence la potentialité qui s’y découvre, que ce monde de la communication autonomisée absorbe l’émeute.

Pour contrer cette évolution, il s’agit toujours de pouvoir accéder aux faits, mais dans la critique impérative de ce qui les médiatise. L’observation, qui passe par l’analyse, doit permettre de faire le tri, d’établir une hiérarchisation des révoltes, d’affirmer les antagonismes : de proposer une lecture de ce qui s’ouvre et de la contradiction à l’œuvre. Au contraire, l’absence ou l’occultation, chez l’observateur, de point de vue, de but ou de parti pris, sinon la conservation de sa position, consiste bien souvent à combattre ce que l’émeute contient en germe, qui lui confère son importance dans l’époque actuelle. Au vu de l’insignifiance de l’entreprise d’un Bertho, on pourrait estimer inapproprié de lui accorder encore trop d’attention en la dénonçant, mais c’est justement parce qu’il est un représentant exemplaire de ce processus plus général.

Dans ce monde de la contestation autorisée, nous proposons que la misère, mise en cause par les plus probantes et porteuses explosions émeutières, soit définie suivant l’insatisfaction fondamentale qu’on peut formuler comme l’absence de maîtrise de l’humanité sur l’humanité. De ce point de vue, ce sont les insurrections et soulèvements qu’il importe de mettre au cœur du débat, ce qui vient, décuplant les qualités de l’émeute, produire la nouveauté, et prendre de vitesse tous les petits employés de la récupération en démentant la propagande qu’ils répandent.



Le 23 novembre 2009




1. Ce qui ressemble parfois fort à du plagiat, dilué dans le jargon de l’universitaire sans fond, tendrait à prouver une dissimulation délibérée, fruit d’une malhonnêteté intellectuelle évidemment bien compréhensible. Mais l’hypothèse de l’ignorance de l’idiot de bonne foi ne peut être tout à fait écartée, tant s’accumulent les preuves de négligence et d’une grande indigence de la réflexion – si grotesque dans ses références, qu’elles soient universitaires pour donner l’apparence d’un fond justement, ou culturelles pour appâter à peu de frais le chaland.
2. On ne s’étonnera pas de trouver sur certains « blogs » de l’extensible tendance grecque précitée le lien vers celui de Bertho, devenu pour des marxistes ou libertaires ou rapporteurs de « flammes algériennes », incapables de faire le boulot eux-mêmes, une base de données et une référence, évidemment non critiquées. On notera à ce propos combien la tolérance pour les professeurs d’université est significative de l’état de la critique sociale chez ce petit milieu tout à coup découvreur d’émeutes.
3. On sait alors au final ce que devient l’émeute : « l’émeute » middleclass, « l’émeute » facebook, comme à Tours, comme à East Lansing. On se fixe rendez-vous pour lancer trois canettes durant quelques heures pour que jeunesse se passe. Et surtout filmer, filmer, et diffuser en boucle dans l’immense décharge du net, avec tous les autres déchets de la petite satisfaction. Qu’est ce qui empêche du coup notre intrépide observateur participant, qui voit de la « fureur de vivre » dans ces bousculades de caniveaux, de lancer un groupe facebook et de monter sa propre « émeute » ? 
4. Son récent entretien vidéo avec les journaflics de l’IRIS en est d’ailleurs la meilleure illustration pratique.  




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